Pourquoi 30% de Français ne veulent pas se faire vacciner ?
En France, ils seraient près de 30 % d’adultes à ne pas vouloir se faire
piquer. Pourquoi ? (Éléments de réponse selon le journal SudOuest)
« Je ne suis pas antivaccin », prévient Emmanuel, la quarantaine, fonctionnaire et chef de famille. « Je suis juste prudent. Je voudrais savoir quelle sera l’immunité des personnes vaccinées, en octobre, si l’épidémie vient à repartir ? Est-ce que leurs symptômes seront réellement moindres ? Est-ce qu’ils seront immunisés contre les variants ? Bref, est-ce que ça vaut réellement le coup de se faire injecter si vite un vaccin développé en quatre mois, là où d’autres prennent dix ans ? » Il le promet, il ne fait pas dans la propagande, d’ailleurs ses parents ont été piqués et il n’a clairement pas cherché à les en dissuader, il veut juste pour lui, sa femme et ses enfants avoir le « recul nécessaire » pour prendre la bonne décision. En France, selon les sondages, ils seraient 30 % des adultes à ne pas vouloir se faire vacciner. Dans ceux-là, il y a les antivax, mouvance radicale, plutôt minoritaire, et les autres. Les Monsieur et Madame Toutlemonde qui ont juste leurs raisons, personnelles, pour ne pas se faire inoculer le Pfizer, AstraZeneca et autres Moderna dans le bras. Peurs irrationnelles Comme Claude. Le sexagénaire a fini par s’y rendre, au centre de vaccination, sous bonne escorte de son épouse. Ce gaillard retraité n’a rien contre le produit vaccin, il a peur de l’aiguille. C’est phobique. Un traumatisme d’enfance : « Dans les campagnes, ce n’était pas les infirmières qui nous piquaient, pour ma part, c’était mon père et l’aiguille était loin d’être aussi fine qu’aujourd’hui », explique- t-il. Une phobie presque générationnelle, à en croire les sexagénaires et plus contactés, datant d’une époque où l’on se faisait vacciner à la queue leu leu dans la classe, par une infirmière plus inquiète de son efficacité que de sa délicatesse. De l’injection du BCG, qui était administré avec une plume permettant de scarifier la peau. Une peur que l’on nomme dans le monde médical : bélonéphobie. Et c’est un mal plutôt répandu, qui mérite, par exemple, pour certains, une thérapie cognitive et comportementale. Alors l’accélération soudaine de la campagne de vaccination en France a pris ces phobiques de court. Pour Claude, le courage est clairement venu de ses proches. Parce qu’il lui en a fallu pour surmonter sa peur, trouver un rendez-vous et s’y rendre : à 30 kilomètres de son domicile. Le lot de nombreux habitants de zones rurales.
Réalité de terrain Comme en Sud-Gironde. La réalité de l’éloignement a été l’un des facteurs de la non-vaccination, analyse Vincent Gorse, président du conseil de surveillance des hôpitaux du secteur. « Désormais, nous avons six ou sept antennes de centres de vaccination de proximité et tout est rentré dans l’ordre. Mais auparavant,
quand il fallait se rendre à 20 kilomètres pour se faire immuniser, c’était pour certains insurmontables. Ils n’avaient, du coup, même pas construit l’idée d’aller se faire vacciner. Pourtant, nous avions mis en place des services de transport à la demande, d’autres avaient des proches, famille, voisins, qui auraient pu les y conduire, mais ils ne s’étaient même pas autorisés à demander. » Dans ce bassin de vie autour de Langon, la question de l’accès à Internet, pour la prise de rendez-vous, avait été très vite palliée : « Chaque commune prenait attache auprès de ses administrés et se chargeait de prendre le rendez-vous si né-
cessaire. » Durant cette phase, Vincent Gorse a constaté un questionnement dans la population. « Je n’ai pas rencontré d’antivax à proprement parler, hormis sur les réseaux sociaux peut-être. Non, sur le terrain, les hésitations portaient sur ce produit nouveau et la campagne sur l’AstraZeneca n’a pas aidé. Tous savent que les risques existent et au moment de se faire piquer cela devient plus compliqué : « Et si ça tombe sur nous ? » Les effets émotionnels torpillent le rationnel. » Mais de sa propre analyse, l’élu de Sud-Gironde assure que « les lignes ont tout de même bougé en faveur de la vaccination ». Un questionnement transitoire alors ? Pour la plupart des personnes rencontrées, oui. D’ailleurs, une récente étude du « Washington Post » montre que deux catégories de personnes ne se font pas vacciner : les hésitants et les antivax. Aux États-Unis, ils se répartissent en 20 et 15 % de la population globale. Si ces proportions sont respectées en France, tout l’enjeu sera alors de convaincre ces réticents afin que l’immunité collective soit atteinte. Pour autant, la diversité des raisons, pour certaines viscérales, qui poussent ces Français à ne pas se faire vacciner complique forcément la chose. Marie Fauvel
Source : SUD-GIRONDE JEUDI 3 JUIN 2021 | SUD OUEST.fr