Violation du code Génétique : ils ont créé un ADN pirate !
A l’exception du Monde, les médias français ne se sont guère intéressés au sujet. Pont du 8 mai ? Pour l’heure, retenez ces noms : Denis A. Malyshev et Floyd Romesberg. Ces biologistes travaillent au Scripps Research Institute de La Jolla (Californie). Avec six de leurs collègues ils annoncent avoir franchi une nouvelle étape, historique, dans la manipulation du vivant. Cette équipe signe donc dans Nature une communication qui pourrait faire date dans l’histoire de la biologie (1).
Ils annoncent la création d’une bactérie porteuse d’un patrimoine génétique qui n’a jamais existé depuis le début de la vie sur la Terre : une bactérie dont le code génétique n’est plus seulement constitué des « quatre lettres de l’alphabet du vivant » : les quatre « bases azotées » A, T, C, G structurant la célèbre hélice de l’ADN. Mais une bactérie comportant en son sein ces quatre « lettres » associées à deux autres, synthétiques, créées par les chercheurs américains. Il faudra bien vite écrire une suite à Gattaca.
En pratique l’équipe américaine annonce avoir réussi à intégrer dans le génome d’une Escherichia coli, une nouvelle paire de bases baptisées « d5SICS » et « dNaM ». La prouesse technique réside dans le fait que ces deux éléments ont non seulement été « tolérés » par Escherischia coli mais que cette bactérie les a intégré au sein de son propre mécanisme de reproduction d’elle-même. En d’autres termes ces structures artificielles sont présentes dans la quasi-totalité de la descendance des bactéries artificiellement « augmentées ». C’est cette transmission au fil de la réplication bactérienne qui constitue une première.
Il semble clair que l’homme a créé là des microorganismes bactériens qui pourront pianoter sur un nouveau clavier, infiniment plus large, de son métabolisme et de sa reproduction ; des microorganismes à mi chemin du naturel et de l’artificiel, aux frontières du « paranaturel » ; des bactéries comme frankensteinisées. On parle déjà ici de xénobiologie. Le chercheur français Philippe Marlière voit la xébobiologie comme la discipline qui verra la création de formes de vie radicalement étrangères à celles connues sur Terre, qu’il s’agisse de la chimie ou du codage génétique.
« Les travaux de Denis A. Malyshev et Floyd Romesberg constituent le franchissement d’un « cap symbolique historique, a-t-il déclaré au Monde. Une troisième paire de bases entièrement artificielle a pu être répliquée in vivo. Il ne s’agit que de quelques générations dans une bactérie, mais le Rubicon est franchi. » M. Marlière ne dit pas ce qui attend l’homme sur l’autre rive du Rubicon. Ni ce qui, généralement, attend le démiurge au tournant.