Les conséquences vertigineuses de l’arrêt de la CEDH sur la GPA
La Cour européenne des droits de l’homme vient de condamner la France pour son refus de transcrire à l’état civil français la filiation des enfants nés de gestation pour autrui (GPA) pratiquées à l’étranger, c’est-à-dire pour son refus de reconnaître que, au regard du droit français, ces enfants sont les enfants des parents commanditaires, ceux que l’on appelle couramment les «parents d’intention».
La décision est grave de conséquences. On peut dire que cela en est fini à terme de la prohibition de la gestation pour autrui mais aussi, par un effet collatéral majeur, de la prohibition de l’établissement des filiations incestueuses.
Cela en est fini à terme de la prohibition de la GPA en France. Car maintenir la prohibition de la GPA en France alors qu’on serait obligé de reconnaître la filiation lorsque ces GPA se sont pratiquées à l’étranger conduirait à un encouragement inadmissible à la fraude
(le signal serait clair: allez faire à l’étranger ce qui est interdit en France et on vous régularisera la situation lorsque vous serez revenus), et aussi une préférence obscène faite à ceux qui ont ainsi les moyens de se payer dans un même «package» la filiation faite à l’étranger et sa validation en France. En outre, à terme, si le droit français doit désormais valider les filiations issues de gestations pour autrui pratiquées à l’étranger sans pouvoir contrôler les conditions dans lesquelles celles-ci ont été pratiquées (les juges français ne vont évidemment pas se déplacer dans toutes les cliniques indiennes ou ukrainiennes pour voir comment les femmes y ont été (mal)traitées), la pression va se faire forte pour admettre en France des gestations pour autrui «éthiques» (nous avons expliqué ailleurs pourquoi la formule de «GPA éthique» était un oxymore, une contradiction dans les termes mêmes).
La décision de la Cour européenne des droits de l’homme nous oblige, à terme, à lever la prohibition de l’inceste, plus précisément à supprimer l’interdiction d’établir une filiation incestueuse.
En effet, l’article 310-2 du Code civil énonce que si le père et la mère biologiques de l’enfant ne peuvent se marier entre eux car ils sont trop proches parents, il n’est pas possible d’établir la filiation de l’enfant vis-à-vis de ses deux parents en même temps: si par exemple un père a des relations sexuelles avec sa fille dont il naît un enfant, celui-ci sera reconnu enfant de son père OU de sa mère (la fille de son père) mais pas des deux en même temps, car cela ferait apparaître qu’il est un enfant incestueux. Or si on suit les propos de la Cour européenne des droits de l’homme (elle les avait au demeurant déjà tenus dans un précédent arrêt), à savoir qu’«au regard de l’importance de la filiation biologique en tant qu’élément de l’identité de chacun, on ne saurait prétendre qu’il est conforme à l’intérêt d’un enfant de le priver d’un lien juridique de cette nature alors que la réalité biologique de ce lien est établie», et donc s’il est contraire aux droits de l’homme de ne pas reconnaître la filiation d’un enfant avec ses parents biologiques (en l’occurrence avec le père dont les gamètes ont le plus souvent servi à inséminer la mère porteuse), la conséquence est claire: il faudra nécessairement reconnaître le lien de filiation de l’enfant vis-à-vis de son père ET de sa mère (la fille de son père) puisque ceux-ci sont tous deux ses parents biologiques. On admettra donc désormais que l’inceste soit reconnu et donc légitimé par le droit. L’anonymat du don de gamètes devra aussi être supprimé, et le lien de filiation établi avec le donneur de sperme ou la donneuse d’ovocyte…